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ENVIRONNEMENT LEADERSHIP

Interview de Pierre Pageot, directeur général Transition écologique au Groupe SOS

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Pierre Pageot, directeur général Transition écologique au Groupe SOS

Directeur général Transition Ecologique au Groupe SOS, Pierre Pageot est pleinement engagé sur les enjeux environnementaux et sociaux. Défendant un capitalisme d’intérêt général, il appelle le secteur non lucratif à se développer et à s’organiser pour créer des modèles économiques alternatifs.

1. Vous êtes issu d’une Ecole de commerce et vous avez travaillé pendant un temps au sein de grandes entreprises, quelles ont été vos motivations pour rejoindre le Groupe SOS ?

En intégrant des entreprises lucratives, je savais que je n’allais pas y rester, mais je trouvais intéressant de pouvoir découvrir leurs méthodes de travail, leurs outils et de comprendre ce qui faisait la performance de ces structures. Mon objectif était de pouvoir ensuite réutiliser ces méthodes au sein de structures engagées sur les sujets environnementaux et sociaux.
Cela fait presque 10 ans que je travaille au sein du Groupe SOS et depuis, le Groupe a connu une croissance très importante avec un doublement de sa taille nous sommes aujourd’hui 23 000, une professionnalisation des compétences et un budget global du Groupe (soit toutes les associations et entreprises sociales) d’1,3 milliard d’euros .

2. Quelles raisons expliquent cette professionnalisation et est-ce un mouvement commun au secteur non lucratif ?

Je dirais que cette évolution s’explique en trois points. Le Groupe a renforcé l’ensemble de ses fonctions support à la fois en ressources humaines ou en finance grâce à l’arrivée de collaborateurs compétents. Ensuite, la gouvernance a particulièrement évolué avec la création d’un directoire composé de 9 personnes, dont notre Président Jean-Marc Borello . Enfin le Groupe grandit aussi par l’extérieur avec l’arrivée de nouvelles associations et le rachat d’entreprises sociales ce qui ajoute autant de compétences et de profils.

La professionnalisation du secteur non lucratif est assez générale avec des degrés différents ce qui nous amène à faire face à quelques caricatures nuisibles pour notre secteur : si nous devenons une organisation importante nous allons perdre nos valeurs ou si nous devenons rentables nous nous transformerons en un acteur privé lucratif.

« Je plaide et je souhaite voir l’émergence de nouveaux groupes associatifs importants à l’image du Groupe SOS ».

3. Dans ce contexte anxiogène, voire catastrophique, où faut-il mettre le curseur entre lucidité, prise de conscience et capacité à réenchanter le monde ?

Au sein du Groupe nous ne craignons pas de regarder la vérité en face car nous savons que nous allons devoir affronter des changements écologiques, sociaux et économiques difficiles. Nous voyons cette époque de manière entrepreneuriale pour construire les nouveaux modèles de demain sur l’éducation, les transports ou encore la santé. Nous faisons donc preuve à la fois d’une grande lucidité mais aussi d’une forte capacité à agir et à réussir.

« Un monde qui change appelle à innover de manière plus pérenne à l’image de la raréfaction du pétrole et du développement de nouveaux modes de transport. »

4. Quelle doit être la place et le rôle d’un leader ? Et malgré ce climat, comment pouvons-nous encore embarquer et faire projet ensemble ?

Je dirais que la responsabilité d’un dirigeant aujourd’hui tient en deux impératifs. Tout d’abord, faire récit et donner à voir : le monde va changer c’est inéluctable, mais si nous avons toujours une approche punitive et contraignante nous n’y arriverons jamais. Il est donc nécessaire de montrer les avantages à tirer de ces changements et de rendre l’écologie positive. Enfin, il faut agir et être concret : si nous ne proposons pas des nouveaux services ou modèles, nous ne pourrons pas rendre notre nouveau récit crédible et réaliste.

Notre quotidien au sein du Groupe SOS est d’œuvrer à la résolution des problèmes sociaux et environnementaux et nos collaborateurs sont de fait motivés et convaincus à faire projet ensemble. Nous restons une organisation humaine avec toutes ses problématiques et variables.

5. Selon vous, quel modèle d’organisation peut répondre aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux ? Doit-il être capitalistique ou privé non lucratif ?

Je dirais que le statut ne vaut pas vertu. Il existe des associations aux pratiques inacceptables et à l’inverse de magnifiques entreprises engagées sont en train d’être créées. La comparaison ne doit pas se faire sur le statut mais plutôt sur le projet, les acteurs, les impacts et les objectifs visés.

« Depuis plusieurs années, nous assistons à l’émergence d’un nouveau mouvement avec les entreprises à mission ou les entreprises B-Corp si bien que les acteurs du monde capitalistique classique commencent à aller vers plus de sens et à rendre soluble le capitalisme à l’intérêt général à l’exemple de Veja ou Léa Nature. »

A contrario, nous n’avons jamais autant été dans un capitalisme financiarisé et je dirais que le rapport de force se fait en faveur de la financiarisation du capitalisme. Certains se demandent s’il ne faut pas travailler au sein de ces entreprises pour changer le modèle de l’intérieur ou s’il faut directement rejoindre les entreprises plus vertueuses… les deux sont nécessaires. Nous faisons face à une réelle urgence, mutons tout ce qui peut l’être et créons de nouvelles alternatives, d’autant que le capitalisme ne disparaîtra pas. Mais je suis certain que nous aurons de belles surprises dans les 10 prochaines années.

En parallèle, le monde de l’ESS doit s’organiser pour représenter plus de 10% de l’activité économique en France, en se structurant mieux, ils auront plus de moyens pour attirer les talents ou lever des fonds.

« Il est possible de faire autrement et de remplacer le modèle, d’autant que l’écologie et le social deviennent des facteurs de performance et d’attractivité pour les talents et les investisseurs. »

6. Comment réussissez-vous à attirer des collaborateurs issus du secteur lucratif ? Un basculement dans la culture du travail se fait-il après leur embauche ?

Aborder la question du sens dans son travail contribue à attirer les talents, ce n’est pas un sujet marginal : certaines personnes ont bien gagné leur vie et décident à un moment de venir travailler chez nous, ensuite d’autres gagnent bien mais ont un rythme de vie acharné et enfin d’autres personnes se retrouvent dans une forme de dissonance cognitive entre leur travail et leurs valeurs ou des avis extérieurs.

De plus, au Groupe SOS, nous proposons des salaires justes, équitables et une évolution de carrière valorisée.

Il existe entre nos collaborateurs des différences culturelles entre ceux qui viennent du monde de l’entreprise et ceux qui ont toujours évolué dans le secteur associatif et cela se voit dans le pilotage de projet par l’atteinte d’objectifs, le respect de deadlines, ou encore le recours aux outils numériques. Mais là encore, ce sont de saines différences qui permettent de créer un nouveau modèle alternatif.

7. Qu’est-ce qu’une bonne rémunération, notamment pour les postes stratégiques ? Seriez-vous d’accord pour mettre en place une rémunération variable ?

Bien sûr, à titre personnel, je ne vois pas de problème à ce que la rémunération des salariés et des directeurs puisse comporter une part variable en fonction de la réussite personnelle et collective de chacun. Cela fait partie des outils utilisés dans le monde lucratif qui doivent être repris par notre secteur pour créer un modèle économique alternatif et vertueux.

8. Quelles sont les qualités d’un bon leader ?

Selon moi, un leader doit faire preuve d’exemplarité et doit porter une vision, un projet pour pourvoir ensuite donner à voir de son projet auprès de ses équipes. Il doit aussi avoir cette capacité d’agir et de réagir face aux différentes situations et enfin faire preuve de bienveillance vis-à-vis de ses équipes.

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ÉDUCATION LEADERSHIP

Interview de Florence Rizzo, Co-fondatrice & co-directrice d’Ecolhuma

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EDUCATION

Florence Rizzo, Co-fondatrice & co-directrice d’Ecolhuma

Florence Rizzo est une femme de conviction qui s’est donnée pour mission de contribuer à la réduction des inégalités scolaires. Son engagement l’a conduite à créer Ecolhuma en 2012 pour accompagner celles et ceux qui peuvent réduire ces inégalités et créer une école épanouissante pour toutes et tous.

Pouvez-vous nous raconter ce qui a motivé votre parcours professionnel ?

Issue d’une famille modeste, j’ai réussi à suivre un parcours scolaire au sein de grandes écoles de l’Enseignement Supérieur en France. En 2004, j’ai choisi d’aller à l’ESSEC pour suivre le programme de la Chaire entreprenariat social qui venait d’être créée. Pendant mes études, je me suis souvent rendu compte que les grandes écoles entretenaient une forme de reproduction sociale même si l’ESSEC a beaucoup œuvré pour l’égalité des chances.

J’ai rejoint Ashoka pendant 6 ans au moment de son lancement en France. En 2010, je suis partie avec l’envie de travailler sur ce qui me semblait être à la racine du changement social : les questions d’éducation. J’ai passé deux années à investiguer les questions d’inégalités scolaires.

J’ai notamment appris qu’un enfant issu d’un milieu défavorisé a 4 fois moins de chance de faire partie des bons élèves et que la réussite d’un élève dépend à 30% de l’influence de son enseignant et à 10% du chef d’établissement. Cela a nourri ma conviction : si nous voulons réduire les inégalités, il faut aider les enseignants à faire réussir tous les élèves et notamment les plus fragiles.

A quels enjeux souhaitez-vous répondre avec Ecolhuma ? Quel bilan dressez-vous 10 ans après sa création ?

Nous voyons bien les limites du système méritocratique français qui ne permet que marginalement de compenser les inégalités de naissance. Si nous voulons que la France réussisse mieux et remonte dans les classements internationaux comme PISA, nous ne pouvons pas compter uniquement sur une élite. Il est donc urgent d’aider les enseignants à accompagner chaque enfant vers la réussite, Ecolhuma s’emploie à agir aux côtés des acteurs de terrain.

« Accompagner un enseignant, c’est changer la trajectoire de 1000 élèves et accompagner des centaines de milliers d’enseignants, c’est changer le système éducatif. »

En 2015, nous avons pris le virage du numérique en créant deux plateformes pour répondre aux besoins des enseignants et des chefs d’établissements : etreprof.fr a permis l’accompagnement de 120 000 enseignants et manageduc.fr, créée fin 2019, 5 000 chefs d’établissements ont été accompagnés (soit 1/4).

Concrètement, un enseignant découvrant à la rentrée qu’il a un élève dyslexique dans sa classe aura besoin d’aide pour comprendre ce qu’est la dyslexie et comment adapter son enseignement pour inclure cet élève. Les formations officielles interviendront souvent 12 à 18 mois après, si bien qu’avec EtrePROF nous essayons d’être réactifs et d’apporter des réponses à des besoins concrets avec bienveillance et dans une approche « entre pairs ».

Les enseignants entendent parler d’EtrePROF grâce au bouche-à-oreille et aux réseaux sociaux, ce qui ne nous empêche pas de nouer des partenariats avec certaines académies. L’idée par ailleurs est que notre action serve à prototyper certains éléments d’évolution des politiques publiques d’éducation.

Quel leader devons-nous être lorsque nous lançons une entreprise sociale ?

Avant tout, il est nécessaire d’être à l’écoute des besoins avec empathie et sans préjugé. Je dirais qu’il est aussi impératif de posséder certaines valeurs telles que la persévérance, l’humilité car nous ne savons jamais si nous avons trouvé la bonne réponse et la bonne réponse d’aujourd’hui ne sera pas celle de demain. Si nous ne nous remettons pas en question, nous finirons par devenir arrogant ou obsolète !

« J’aime bien l’idée de « servant leadership » : un leadership au service du collectif et du projet. J’aime à raconter aux nouveaux collègues qui nous rejoignent les erreurs que nous avons commises et ce qu’on en a appris ! »

Lorsque l’on entreprend, il est primordial de savoir bien s’entourer et de trouver des personnes à la fois alignées avec le projet, complémentaires et qui sauront mettre de côté leur égo.

Depuis 5 ans, vous co-dirigez l’association avec Stephen Cazade : pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

J’ai conscience de mes forces mais également de mes limites ! Stephen Cazade a porté le développement d’UnisCité pendant plus de 10 ans. Il est capable de porter des stratégies ambitieuses de changement d’échelle.

Avant de co-diriger Ecolhuma, nous avions conçu ensemble différents projets et il avait soutenu bénévolement l’aventure d’Ecolhuma en tant qu’administrateur. Il y avait entre nous une confiance et un respect mutuels ainsi qu’une complémentarité de compétences. Il me semblait évident que nous pouvions porter plus haut le projet en associant nos forces et ce en total équivalence. Co-diriger devient une richesse dès lors que la vision est partagée et les compétences complémentaires.

« En réglant les problèmes d’ego, je crois qu’on gagne en pouvoir d’agir ! En tout cas, l’association Ecolhuma n’en serait pas là aujourd’hui sans son engagement et sa détermination. »

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SANTÉ

Interview de Sophie Beaupère, Déléguée Générale d’Unicancer

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SANTE

Sophie Beaupère, Déléguée générale d’Unicancer

Sophie Beaupère a le sens de l’intérêt général chevillé au corps. Elle a choisi de traduire son engagement de manière opérationnelle en embrassant la carrière de directrice d’hôpital. À la tête d’UNICANCER, elle entend développer le modèle de management particulièrement efficient des centres de lutte contre le cancer. Elle nous parle d’intelligence collective et de l’enjeu de former les dirigeants d’établissements de santé de demain.

Pouvez-vous nous raconter ce qui a motivé votre parcours professionnel ?

J’ai toujours eu envie de servir l’intérêt général. Après Sciences Po Paris, j’ai suivi un Master 2 de gestion publique à Paris Dauphine, puis passé le Concours de directeur d’hôpital. Lors de mon premier stage hospitalier au sein de l’APHP à l’Hôpital Saint-Louis, j’ai découvert l’hématologie et la cancérologie, deux disciplines médicales très exigeantes. J’ai fait la connaissance de professionnels d’une grande qualité humaine, tant du côté des médecins, des paramédicaux que de l’administration.

À l’époque déjà, j’ai été marquée par la grande richesse qu’offre cette mixité de profils. En effet, la particularité des centres de lutte contre le cancer (CLCC) est de ne pas fonctionner en silo mais en synergie. J’ai débuté comme directrice des finances à Gustave Roussy, puis exercé en tant que directrice générale adjointe au centre Léon Bérard à Lyon pendant 6 ans. Il y a un an, j’ai accepté le poste de déléguée générale d’UNICANCER pour cultiver cette capacité à travailler ensemble que favorise le modèle organisationnel de nos centres.

UNICANCER fédère 18 centres de lutte contre le cancer. C’est aussi un groupement de coopération sanitaire. Nous mutualisons les achats, un système d’information RH (SI de paie, remontée de données sur l’absentéisme, les niveaux de rémunération par profession…) et des programmes de recherche pour 20 établissements*. En tant que branche professionnelle, nous représentons 22 000 salariés et négocions avec les partenaires sociaux.

* : le groupement intègre l’Institut Sainte-Catherine Avignon Provence et l’Institut polynésien de cancérologie.

Quels sont les jalons ou les personnes qui vous ont aidée tout au long de votre parcours ?

Dans un parcours, ce sont moins les étapes qui comptent que les rencontres ; celles qui créent des envies, ouvrent des chemins ou encore, permettent de faire ses preuves. La gouvernance des CLCC repose sur un binôme extrêmement complémentaire composé d’un directeur général médecin chercheur et d’un directeur général adjoint au profil de directeur d’hôpital. Il s’agit du modèle des hôpitaux publics à l’international.

Le médecin dispose d’une légitimité à la tête de l’établissement. Il impulse une vision scientifique et médicale et travaille étroitement avec le DGA, lui-même en charge du pilotage des ressources humaines, des finances, de la communication… et globalement, de mettre en œuvre une vision stratégique. À travers mon expérience, j’ai pu observer de quelle façon chacun s’enrichit en comprenant le métier de l’autre, ses contraintes et ses aspirations.

« À l’heure du débat sur la gouvernance des établissements de santé, les centres de lutte contre le cancer démontrent qu’il est possible de fonctionner avec des circuits hiérarchiques simples et courts, des responsabilités claires et des départements médicaux autonomes. »

UNICANCER a vocation à promouvoir ce modèle très intégré entre les différents corps de métiers, particulièrement adapté à la cancérologie en termes de prise en charge coordonnée des patients et de concertation multidisciplinaire. Les membres des équipes de direction ne sont pas issus d’un même corps. Ils viennent d’horizons variés : public, privé, entreprise parfois.

« Cette diversité de profils, issus de la promotion interne ou apportant un regard neuf, est un facteur d’intelligence collective, y compris en situation de crise. Nous devons encourager cette pluralité. »

Quels sont les leviers de transmission vers les futurs leaders à impact positif ?

Les questions de transmission doivent se préparer à l’avance. Au sein d’UNICANCER, nous élaborons une formation exécutive ouverte aux médecins chefs de service et chefs de département, dont la première promotion d’une dizaine d’élèves débutera en 2023. Cette formation managériale de haut niveau est pensée pour leur donner les clés du système de santé, notamment approfondir les volets management et communication.

« Notre ambition est de créer une communauté de futurs DG sensibilisés aux enjeux de ce poste, si différent de celui de  médecin, de sorte à mieux anticiper les départs à la retraite. »

Développer des projets médicaux d’envergure demande de cultiver différentes facettes : des compétences médicales et scientifiques, bien sûr, mais aussi des qualités humaines et relationnelles. En effet, un directeur de centre doit être reconnu par les partenaires sociaux, l’ARS, le président du conseil d’administration, UNICANCER… Dans un univers aussi complexe qu’un établissement de santé, les soft skills sont indispensables.

De quelle façon peut-on accompagner les futurs dirigeants pour les fidéliser et les faire grandir ?

Les ressources humaines constituent le sujet n°1 des établissements. Bien que nous proposions un exercice assez flexible, qui autorise à faire de la recherche, de la clinique ou à avoir du temps détaché, les CLCC sont confrontés aux mêmes problématiques d’attractivité que l’hôpital public. Dans ce contexte, les directeurs nous remontent leur difficulté à comprendre les attentes des nouvelles générations. À ce titre, UNICANCER lance un travail sociologique universitaire pour analyser cette multiplicité d’attentes des professionnels car notre enjeu est de les fidéliser dans nos structures.

Les CLCC offrent de nombreuses opportunités et un sentiment d’utilité évident. Un cadre qui souhaite évoluer vers les fonctions de direction peut bénéficier d’une promotion interne et d’une formation de type Executive MBA. Il est impossible de s’ennuyer tant le monde de la santé et des établissements est en perpétuelle évolution, avec des progrès à la fois scientifiques et organisationnels.

« Rejoindre notre secteur, c’est participer à des transformations sociales très concrètes comme inventer la prise en charge des patients et des aidants de demain. La perspective de changer leur quotidien est passionnante et très valorisante. »

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SANTÉ

Interview de Philippe Jourdy, Directeur général de l’ASEI

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SANTE

Philippe Jourdy, Directeur général de l’ASEI

Une transition qu’il a préparé avec la Présidente de l’association tant ce passage de témoin est capital.

Pouvez-vous nous raconter ce qui a motivé votre parcours professionnel ?

Je suis fils, petit-fils et arrière-petit-fils de magistrats et d’avocats. Rien ne me prédestinait à ce parcours. Après mes études à l’ENSP de Rennes, je suis devenu inspecteur des affaires sanitaires et sociales. Mes 10 ans dans l’inspection itinérante, un corps d’élite qui travaille pour la Cour des comptes, m’ont donné des techniques et une vision large qui m’ont été très utiles par la suite. Plus tard, j’ai pris une orientation plus opérationnelle à la Fondation Léopold Bellan, à la Fondation Hopale dans le Nord et le Pas-de-Calais ou encore, à la Mutualité française à Saint-Etienne. Un territoire particulièrement inspirant en matière d’innovations sanitaires et sociales.

À la création de l’ANAES, l’ancêtre de la HAS, j’ai fait partie des premiers groupes d’experts visiteurs. Plus tard, le Pr Yves Matillon et Chantal Lachenaye, à la tête de l’accréditation des établissements de santé, m’ont proposé de les rejoindre. Ensemble, nous avons fait entrer la Qualité dans les établissements de santé.

Alors que je regardais le médicosocial d’un peu loin, l’ASEI est venue me chercher. J’ai deviné que je pourrais enfin allier le stratégique : structurer, et l’opérationnel : les projets. Je n’aurais jamais pensé rester aussi longtemps. En quelque sorte, j’ai fait ma mobilité en interne, en développant l’association à Hendaye, en Nouvelle-Aquitaine et même, à Paris.

Quels sont les jalons ou les personnes qui vous ont aidé tout au long de votre parcours ?

Il y a, bien sûr, des choses à apprendre techniquement mais beaucoup à apprendre en observant. Tout cela relève d’une forme d’apprentissage, d’une patine qui se forme au fil du temps.

« J’ai beaucoup appris au contact des personnes du secteur en les écoutant, en regardant, en échangeant, en contestant parfois. »

A ce titre, je trouve que la formation devrait tenir compte davantage de la réalité des métiers. D’un côté, il faut une base solide de gestion et de connaissance du secteur et de ses subtilités. De l’autre, « les humanités » occupent une place majeure. Un directeur est qualifié de “général” pour son approche générale, justement. Il n’est pas nécessaire d’être bon dans tous les domaines. Pour la comptabilité et les RH, par exemple, je me suis appuyé sur de très bons collaborateurs. En revanche, ce qui compte c’est la vision du contexte et de l’impact de ses décisions, et de garder l’esprit ouvert.

« Dans ce métier, il faut assumer la solitude du dirigeant et, pour autant, ne pas bouillir dans la marmite et s’en extraire. Il est très important d’avoir des collègues de confiance et des personnes avec qui échanger pour se régénérer. En cela, appartenir à une fédération est très utile. »

Vous partez à la retraite. De quelle façon avez-vous préparé votre succession ?

À partir du moment où j’ai beaucoup reçu, j’ai essayé de transmettre en retour. J’ai pour habitude de décliner les propositions de formation car il me semble qu’enseigner est un métier, mais je partage volontiers mon témoignage. Surtout, j’estime que la transmission se joue plutôt sur le terrain.

Je ne suis que le 4ème directeur général de l’ASEI en 70 ans. Il y a une durée de vie assez longue, ce qui peut être dangereux pour une organisation. La répartition des rôles étant très claire entre la Présidente et moi, nous avons anticipé mon départ ensemble. Fin décembre, le Bureau a fait le choix de la continuité du projet associatif en la personne d’Olivia Lévrier, auparavant directrice d’une entité et de la transformation des soins. Elle a été nommée directrice générale déléguée et, depuis janvier, nous préparons la passation. Elle m’accompagne et suit plusieurs dossiers transversaux, comme la politique d’investissement, le schéma de partage d’information et le numérique et les élections des représentants du personnel. Petit à petit, elle prend le champ de l’association. Non pas que j’ai le goût des dernières fois, mais j’observe que cela se passe très bien avec les équipes.

Quels sont les leviers de transmission vers les futurs leaders à impact positif ?

Auparavant, les organisations mettaient les collaborateurs dans des cases, selon un organigramme qui confondait hiérarchie et fonctionnel, ce qui à mon avis est une erreur.

« Je me suis toujours battu pour et contre l’organisation. Il faut une organisation mais ne pas figer celle-ci. Il ne faut pas enfermer les gens. »

Mon ambition est que le projet associatif se déploie à travers l’engagement et la qualité des professionnels, notamment le développement de leur pouvoir d’agir, en les accompagnant et les aidant à se réaliser au mieux de leurs aspirations et de leurs potentiels. Je crois avoir réussi à promouvoir cela au sein de l’ASEI en mettant en place des bassins géographiques et des délégations déconcentrées. Cela présente l’avantage de faire monter en responsabilité les collaborateurs qui ont envie d’autonomie mais aussi de les tester. En la matière, j’ai eu des surprises dans les deux sens. Parfois, le costume s’avère trop grand et à l’inverse, d’autres fois, des collaborateurs s’épanouissent.

Nous accompagnons également les directeurs lorsqu’ils rencontrent des difficultés. À l’ASEI, j’ai introduit la technique de l’énnéagramme, issue des neurosciences, qui consiste à définir sa base relationnelle et comment chacun se meut et se comporte socialement. Il y a plusieurs profils : le perfectionniste, l’épicurien, le boss… Cette technique a permis à certains managers de se révéler à eux-mêmes et de comprendre pourquoi certaines choses fonctionnaient ou pas.

Le bon recrutement, ce sont deux envies qui se rencontrent, même s’il peut y avoir des déceptions, bien sûr. J’ai souvent recruté des potentiels et je suis attiré par les profils atypiques. Non pas que je cherche obligatoirement à sortir d’un modèle. Toutefois, je suis convaincu qu’une dose d’ouverture est importante. À l’ASEI, nous recrutons des éducateurs qui sont montés en grade, des diplômés du CAFDES et des profils issus de tout autres secteurs.

« Les potentiels d’aujourd’hui affichent convictions et exigences. À tel point que, lors des entretiens, je me demande qui est en train de recruter l’autre. Je salue leurs convictions mais je les invite à cultiver aussi leur capacité d’écoute et d’ouverture. » 

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Les Nouveaux Imaginaires : L’interview de Luc Meuret

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INNOVATION

Interview de Samira Djouadi, Déléguée générale de la Fondation TF1

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INNOVATION

Interview de Samira Djouadi

Le parcours de Samira Djouadi au service de l’insertion des jeunes des quartiers est inspirant et plein d’espoir. Il reflète le refus de la fatalité et la croyance dans le pouvoir des entreprises pour changer les choses. Résolue à être dans le camp des faiseurs, Samira Djouadi a pour mantra « ne rien lâcher ». Ce n’est pas pour rien que ses présidents ont l’habitude de dire qu’il vaut mieux lui dire oui ! Son interview devrait être prescrite au petit-déjeuner tant son énergie est contagieuse.

Vous avez fondé l’association SPORT’A VIE, il y a 21 ans, vous présidez plusieurs associations et vous dirigez la fondation TF1. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Tous les projets que j’ai portés ont un point commun : l’insertion des jeunes des quartiers. La création de l’association SPORT’A VIE, avec un groupe d’amis enseignants, est une réponse concrète à une problématique à laquelle j’ai été confrontée lorsque j’étais professeur de sport. Dès que nous parlions aux élèves d’avenir ou d’orientation, c’était le néant total. « Comment veux-tu que je réussisse alors qu’autour de moi, je n’ai aucun exemple ? », nous répondaient-ils. L’objectif de l’association est de permettre aux jeunes de sortir de cette fatalité en devenant acteurs de leur vie. La participation à un événement sportif mondial est la cerise sur le gâteau, ce qui nous intéresse c’est le projet construit en amont, sa dimension culturelle, l’apprentissage de la langue… Notre premier projet a été la Coupe du monde de football en Corée en 2002. Un pays tellement éloigné de leur culture ! A la fin, l’un d’eux nous a dit : « maintenant que j’ai appris le coréen, je sais que je suis capable de faire n’importe quoi. » C’est précisément le pari de l’association.

Pour SPORT’A VIE, j’ai appris tous les métiers : la conduite de projets, la recherche de financements… J’ai démarché TF1 sans avoir les codes du monde de l’entreprise ! Je n’ai jamais lâché.

Il m’a fallu six mois pour obtenir un rendez-vous avec Patrick Le Lay, le président de l’époque, en appelant tous les jours son secrétariat. En arrivant, il m’a dit qu’il avait 5 minutes à me consacrer. Finalement, nous avons échangé pendant 1h30 et, trois ans plus tard, il me débauchait pour un poste de commerciale à la régie. J’ai beaucoup réfléchi car je pensais à mes petits jeunes des quartiers… Alors, j’ai proposé à Patrick Le Lay de me donner l’opportunité de créer une fondation pour le Groupe TF1. Il m’a accordé sa confiance et il a accepté que je consacre 25 % de mon temps à ce projet. Selon moi, pour avoir un impact sur la société, il n’est pas possible de traiter tous les sujets. Aussi, plutôt que de financer des projets associatifs comme la plupart des fondations d’entreprises, j’ai recommandé que nous portions nos propres actions à intérêt général autour d’un axe, à savoir un programme dédié à l’insertion des jeunes de 18 à 30 ans issus des quartiers.

Le milieu professionnel est la clé. Lorsqu’une entreprise se saisit d’un sujet, elle agit comme un moteur et, à la différence du politique, il y a de grandes chances pour que cela aboutisse. 

Chaque année, nous offrons des postes d’alternance de deux ans pour avoir le temps de les accompagner et leur offrir une formation dans une bonne école ainsi qu’une expérience solide au sein de nos services. Nous allons chercher les jeunes en dehors des écoles puisqu’ils n’y sont pas. Pour cela, nous travaillons avec des associations, des collectivités, les missions locales, Pôle emploi, les Préfectures, qui ont des programmes d’accompagnement mais manquent d’offres des entreprises. Nous avons également banni le CV et la lettre de motivation pour privilégier le format vidéo. Nous ne leur promettons pas d’être embauchés à TF1, même si nous ne les laissons pas partir lorsqu’une opportunité se présente, bien sûr. Quoi qu’il en soit, deux années dans le groupe TF1 sur un CV, c’est tapis rouge. Ils sont recrutés à peine sortis de la Fondation. J’utilise souvent l’image de la caisse à outils. Notre objectif est qu’elle soit pleine à la sortie afin qu’ils n’aient plus besoin de personne.

« Avant on regardait mon nom et mon adresse. Aujourd’hui, le logo TF1 efface tout », a résumé l’un de nos alternants. Notre mission consiste à inverser la vapeur en jouant notre rôle d’intégration au sein de la société. 

Sur quelles ressources personnelles vous appuyez-vous pour faire avancer vos projets et exercer votre leadership ?

J’ai fait beaucoup d’endurance, une discipline dure. Pour moi, les valeurs du sport sont totalement transposables dans la vie professionnelle et personnelle.

Quand on arrive 4ème, quand le podium nous passe sous le nez, il faut avoir le mental pour repartir à l’entraînement. Pour les projets, c’est pareil. Il ne faut jamais lâcher.

La confiance du collaborateur en son projet est essentielle. S’il y croit et s’il l’incarne, il ne peut que réussir. Il y a toujours des managers ou des collaborateurs qui disent non ou sont réfractaires. L’enjeu est de réussir à les convaincre. Malheureusement, dans les grands groupes, la tentation de tout maîtriser est encore forte. On observe la même chose aujourd’hui avec la visio. Les managers se sentent diminués parce qu’ils n’ont plus leur équipe sous la main. Pourtant, je peux témoigner que la confiance démultiplie l’engagement des salariés.

Quel message souhaitez-vous adresser aux futurs leaders ou entrepreneurs ? 

Aux jeunes et aux moins jeunes, je dis : « croyez en vos capacités et ne lâchez rien ! » Vous trouverez toujours un allié qui sera à votre écoute et vous aidera à réussir. Face aux obstacles, dîtes-vous que, la plupart du temps, vos interlocuteurs réagissent par peur de ne plus maîtriser les choses. A vous de rassurer votre N+1 ou vos collègues, de les embarquer avec vous, de leur donner un rôle… Vous êtes les mieux placés pour savoir de quoi vous êtes capables.

Quels sont vos projets et vos défis actuels dans ce contexte si difficile pour les jeunes ?

La crise que nous vivons ne doit pas nous empêcher d’œuvrer pour la jeunesse. Chaque jour, des jeunes m’écrivent pour me dire que leur entreprise ne peut plus les prendre. Pour ma part, je n’ai jamais accueilli autant d’alternants que cette année ! C’est d’autant plus facile avec le télétravail car nous n’aurions pas la capacité physique de tous les intégrer au siège. En revanche, à nous de nous organiser pour que chacun puisse exister à travers les projets. La manière dont nous travaillons à distance responsabilise d’autant plus le jeune apprenti qui a envie de s’investir pour montrer que nous avons eu raison de le choisir.

Plus que jamais, les entreprises doivent jouer leur rôle et trouver des solutions pour accueillir des jeunes en stage ou en alternance parce que, pour nombre d’entre eux, le risque de ne pas être diplômé à la fin de l’année est réel.

Aux entreprises de faire en sorte que les jeunes ne soient pas coupés du monde et d’innover pour que cette génération ne soit pas « gommée » à cause de la situation.

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