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Interview de Pierre Pageot, directeur général Transition écologique au Groupe SOS

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Pierre Pageot, directeur général Transition écologique au Groupe SOS

Directeur général Transition Ecologique au Groupe SOS, Pierre Pageot est pleinement engagé sur les enjeux environnementaux et sociaux. Défendant un capitalisme d’intérêt général, il appelle le secteur non lucratif à se développer et à s’organiser pour créer des modèles économiques alternatifs.

1. Vous êtes issu d’une Ecole de commerce et vous avez travaillé pendant un temps au sein de grandes entreprises, quelles ont été vos motivations pour rejoindre le Groupe SOS ?

En intégrant des entreprises lucratives, je savais que je n’allais pas y rester, mais je trouvais intéressant de pouvoir découvrir leurs méthodes de travail, leurs outils et de comprendre ce qui faisait la performance de ces structures. Mon objectif était de pouvoir ensuite réutiliser ces méthodes au sein de structures engagées sur les sujets environnementaux et sociaux.
Cela fait presque 10 ans que je travaille au sein du Groupe SOS et depuis, le Groupe a connu une croissance très importante avec un doublement de sa taille nous sommes aujourd’hui 23 000, une professionnalisation des compétences et un budget global du Groupe (soit toutes les associations et entreprises sociales) d’1,3 milliard d’euros .

2. Quelles raisons expliquent cette professionnalisation et est-ce un mouvement commun au secteur non lucratif ?

Je dirais que cette évolution s’explique en trois points. Le Groupe a renforcé l’ensemble de ses fonctions support à la fois en ressources humaines ou en finance grâce à l’arrivée de collaborateurs compétents. Ensuite, la gouvernance a particulièrement évolué avec la création d’un directoire composé de 9 personnes, dont notre Président Jean-Marc Borello . Enfin le Groupe grandit aussi par l’extérieur avec l’arrivée de nouvelles associations et le rachat d’entreprises sociales ce qui ajoute autant de compétences et de profils.

La professionnalisation du secteur non lucratif est assez générale avec des degrés différents ce qui nous amène à faire face à quelques caricatures nuisibles pour notre secteur : si nous devenons une organisation importante nous allons perdre nos valeurs ou si nous devenons rentables nous nous transformerons en un acteur privé lucratif.

« Je plaide et je souhaite voir l’émergence de nouveaux groupes associatifs importants à l’image du Groupe SOS ».

3. Dans ce contexte anxiogène, voire catastrophique, où faut-il mettre le curseur entre lucidité, prise de conscience et capacité à réenchanter le monde ?

Au sein du Groupe nous ne craignons pas de regarder la vérité en face car nous savons que nous allons devoir affronter des changements écologiques, sociaux et économiques difficiles. Nous voyons cette époque de manière entrepreneuriale pour construire les nouveaux modèles de demain sur l’éducation, les transports ou encore la santé. Nous faisons donc preuve à la fois d’une grande lucidité mais aussi d’une forte capacité à agir et à réussir.

« Un monde qui change appelle à innover de manière plus pérenne à l’image de la raréfaction du pétrole et du développement de nouveaux modes de transport. »

4. Quelle doit être la place et le rôle d’un leader ? Et malgré ce climat, comment pouvons-nous encore embarquer et faire projet ensemble ?

Je dirais que la responsabilité d’un dirigeant aujourd’hui tient en deux impératifs. Tout d’abord, faire récit et donner à voir : le monde va changer c’est inéluctable, mais si nous avons toujours une approche punitive et contraignante nous n’y arriverons jamais. Il est donc nécessaire de montrer les avantages à tirer de ces changements et de rendre l’écologie positive. Enfin, il faut agir et être concret : si nous ne proposons pas des nouveaux services ou modèles, nous ne pourrons pas rendre notre nouveau récit crédible et réaliste.

Notre quotidien au sein du Groupe SOS est d’œuvrer à la résolution des problèmes sociaux et environnementaux et nos collaborateurs sont de fait motivés et convaincus à faire projet ensemble. Nous restons une organisation humaine avec toutes ses problématiques et variables.

5. Selon vous, quel modèle d’organisation peut répondre aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux ? Doit-il être capitalistique ou privé non lucratif ?

Je dirais que le statut ne vaut pas vertu. Il existe des associations aux pratiques inacceptables et à l’inverse de magnifiques entreprises engagées sont en train d’être créées. La comparaison ne doit pas se faire sur le statut mais plutôt sur le projet, les acteurs, les impacts et les objectifs visés.

« Depuis plusieurs années, nous assistons à l’émergence d’un nouveau mouvement avec les entreprises à mission ou les entreprises B-Corp si bien que les acteurs du monde capitalistique classique commencent à aller vers plus de sens et à rendre soluble le capitalisme à l’intérêt général à l’exemple de Veja ou Léa Nature. »

A contrario, nous n’avons jamais autant été dans un capitalisme financiarisé et je dirais que le rapport de force se fait en faveur de la financiarisation du capitalisme. Certains se demandent s’il ne faut pas travailler au sein de ces entreprises pour changer le modèle de l’intérieur ou s’il faut directement rejoindre les entreprises plus vertueuses… les deux sont nécessaires. Nous faisons face à une réelle urgence, mutons tout ce qui peut l’être et créons de nouvelles alternatives, d’autant que le capitalisme ne disparaîtra pas. Mais je suis certain que nous aurons de belles surprises dans les 10 prochaines années.

En parallèle, le monde de l’ESS doit s’organiser pour représenter plus de 10% de l’activité économique en France, en se structurant mieux, ils auront plus de moyens pour attirer les talents ou lever des fonds.

« Il est possible de faire autrement et de remplacer le modèle, d’autant que l’écologie et le social deviennent des facteurs de performance et d’attractivité pour les talents et les investisseurs. »

6. Comment réussissez-vous à attirer des collaborateurs issus du secteur lucratif ? Un basculement dans la culture du travail se fait-il après leur embauche ?

Aborder la question du sens dans son travail contribue à attirer les talents, ce n’est pas un sujet marginal : certaines personnes ont bien gagné leur vie et décident à un moment de venir travailler chez nous, ensuite d’autres gagnent bien mais ont un rythme de vie acharné et enfin d’autres personnes se retrouvent dans une forme de dissonance cognitive entre leur travail et leurs valeurs ou des avis extérieurs.

De plus, au Groupe SOS, nous proposons des salaires justes, équitables et une évolution de carrière valorisée.

Il existe entre nos collaborateurs des différences culturelles entre ceux qui viennent du monde de l’entreprise et ceux qui ont toujours évolué dans le secteur associatif et cela se voit dans le pilotage de projet par l’atteinte d’objectifs, le respect de deadlines, ou encore le recours aux outils numériques. Mais là encore, ce sont de saines différences qui permettent de créer un nouveau modèle alternatif.

7. Qu’est-ce qu’une bonne rémunération, notamment pour les postes stratégiques ? Seriez-vous d’accord pour mettre en place une rémunération variable ?

Bien sûr, à titre personnel, je ne vois pas de problème à ce que la rémunération des salariés et des directeurs puisse comporter une part variable en fonction de la réussite personnelle et collective de chacun. Cela fait partie des outils utilisés dans le monde lucratif qui doivent être repris par notre secteur pour créer un modèle économique alternatif et vertueux.

8. Quelles sont les qualités d’un bon leader ?

Selon moi, un leader doit faire preuve d’exemplarité et doit porter une vision, un projet pour pourvoir ensuite donner à voir de son projet auprès de ses équipes. Il doit aussi avoir cette capacité d’agir et de réagir face aux différentes situations et enfin faire preuve de bienveillance vis-à-vis de ses équipes.

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