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Qui et comment recruter dans le secteur culturel ?

Edito

FUNDRAISING / CULTURE

1. Depuis la crise sanitaire, comment se porte le fundraising culturel ?

La 12ème conférence fundraising de la culture organisée par l’Association française des fundraisers début avril a été un temps de retrouvailles attendu par les professionnels. Suite à la pandémie et aux fermetures exceptionnelles des lieux culturels, nous pouvions légitimement craindre de retrouver un secteur lassé ou freiné dans son développement.

Toutefois, plusieurs éléments optimistes sont à prendre en compte, 2022 a été une bonne année en termes de fréquentation des lieux culturels, et notamment des musées : +170% pour le Louvre, record historique pour le château de Chantilly avec 445 000 visiteurs, augmentation de 4% par rapport à 2019 pour le MUCEM et le Centre national du costume de scène de Moulins. De la même manière, la générosité des Français a perduré en 2021 : sur les 2,9 Mds€ de dons réalisés, 112,7 M€ étaient destinés à la culture, soit une augmentation de 55% par rapport à 2020.

Albin Gaudaire, Responsable des relations entreprises à l’Association pour le rayonnement de l’Opéra de Paris, assure que la crise du Covid-19 n’a pas eu d’impact négatif sur le fundraising culturel grâce aux mécènes et partenaires « restés à nos côtés ainsi qu’auprès d’autres institutions culturelles où ils ont fait preuve d’exemplarité ».

Il précise aussi avoir observé « un fort regain d’intérêt de la part des mécènes et surtout des entreprises » qui s’intéressent au mécénat croisé, c’est-à-dire aux projets qui allient la culture aux questions sociales en faveur du développement de projets d’éducation artistique. Constance Lombard, cheffe du département mécénat à la Réunion des Musées nationaux Grand Palais, confirme cet état d’esprit et insiste sur la persistance du bon moral des fundraisers.

Face à la situation économique actuelle, des craintes se font-elles ressentir sur un éventuel désengagement des donateurs et mécènes ?
Constance Lombard estime cette menace comme faible. Selon elle, il est commun de penser que la culture est un secteur mis de côté en cas de mauvaise situation économique, or dans les faits ce n’est pas le cas. A titre d’illustration, le budget du ministère de la Culture a augmenté de 9% en 2022 pour atteindre 4,1 Mds€ et 4,2 Mds€ en 2023.

En revanche, Constance Lombard pointe une forte augmentation des demandes de financement ce qui renforce la concurrence dans un secteur déjà très compétitif. Cette situation impacte directement les ressources humaines avec un besoin croissant de collaborateurs – un point que nous aborderons en seconde partie.

Malgré ces retours plutôt positifs, il est nécessaire de rappeler que la culture reste un secteur en tension avec des moyens financiers limités, dépendants toujours de ses donateurs et mécènes et où subsiste de grandes disparités entre les structures et les secteurs sur la reconnaissance, le soutien financier ou encore le niveau de professionnalisation.

L’accroissement des besoins de fundraisers implique nécessairement de recruter de nouveaux talents. Entre nouvelles attentes des salariés et impératifs du secteur, les institutions doivent plus que jamais prendre conscience de la nécessité de construire les stratégies de recrutement qui sauront attirer et fidéliser les collaborateurs.

2. Comment les organisations culturelles peuvent adapter leurs stratégies de recrutement ?

Le marché du recrutement se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins entre une augmentation des recrutements de cadres et le renforcement des attentes des salariés sur leurs conditions de travail (et notamment des jeunes générations).

En dépit des débats sur ces nouvelles attentes, nous sommes loin de vivre une réelle révolution. C’est l’un des apprentissages de l’étude conduite par l’UDES et Viavoice, publiée en mars 2023, sur la perception des Français sur l’ESS et la quête de sens. Les résultats montrent que pour les jeunes (18-24ans) les critères d’un emploi attractif étaient en premier lieu le salaire, l’intérêt pour le poste et enfin les possibilités d’évolution.

La rémunération ou le rayonnement d’une institution sont des éléments encore importants pour l’attractivité d’un poste, qui peuvent toutefois présenter certaines limites pour fidéliser les collaborateurs.

Chaque institution ne rencontre pas les mêmes réalités en matière de recrutement. Les participants de la Conférence fundraising de la culture faisaient part de réelles difficultés à recruter en raison du peu de candidatures reçues. A l’inverse, Constance Lombard et Albin Gaudaire assurent avoir eu de nombreux retours pour leurs derniers recrutements.

En dépit de ces différences, les acteurs sont tous unanimes : les attentes et la conduite des candidats ont changé. Certains candidats débutent un processus de recrutement par curiosité, pour connaître le contexte du marché ou ce qu’ils peuvent valoir, sans se sentir engagé dans ce processus. D’autres candidats adoptent une posture de « consommateur » avec des demandes croissantes sur les conditions de travail.

Plus globalement, Constance Lombard souligne une tendance à la hausse des salaires pour un métier « encore en développement » dont le nombre de postes ne cesse de croître, soutenu par la facilité de passer du secteur privé au public (et inversement). En complément, il est nécessaire de préciser que peu de personnes sont formées au métier du fundraising si bien que le principe de l’offre et de la demande est favorable aux candidats.

En revanche, une problématique commune persiste : fidéliser les collaborateurs.

Albin Gaudaire fait part d’un turn over important de ses collaborateurs âgés pour la plupart entre 25 et 35 ans. Ces-derniers souhaitent gagner en responsabilités et en autonomie ce qui n’est pas toujours possible au sein d’organisations structurées et hiérarchisées. En tant que manager, l’impératif est de pouvoir répondre à ces demandes en trouvant un management qui puisse s’accorder à l’organisation. Plus globalement, la nouvelle génération est en demande de nouvelles méthodes de travail qui ne se cantonnent pas uniquement au télétravail : management moins verticalisé, moins stratifié, prise d’autonomie, confiance…

Certains recruteurs se reposent encore sur le nom de leur institution comme unique élément d’attractivité, mais pour Constance Lombard « le nom seul ne suffit plus à attirer », le moteur principal est la qualité du projet à porter et les opportunités d’évolution au sein de la structure.
Loin d’être une fatalité, la fidélisation des collaborateurs doit être une question abordée en amont du recrutement dès la construction de la fiche de poste qui doit présenter : les principales missions, les compétences et qualités attendues en priorité, et le parcours du candidat. Définir concrètement ces éléments permettra aux recruteurs de les présenter dès les premiers entretiens et ainsi laisser à voir sur les opportunités du poste.

Enfin, une autre solution peut, et doit, être envisagée : ouvrir le recrutement aux candidats qui ne sont ni issus du fundraising, ni de la culture.
Les professionnels du marketing, les chargés de clientèle ou chefs de produit dans le secteur marchand présentent souvent des profils intéressants pour le métier de fundraiser grâce à leur expertise en animation de communauté ou bien en communication. Par ailleurs, beaucoup de ces candidats cherchent à donner un nouveau souffle à leur carrière en travaillant pour l’intérêt général.

Grâce à la fidélité des donateurs et mécènes, le fundraising culturel se porte bien depuis la fin de la crise sanitaire. Cependant, dans un secteur où des inégalités importantes subsistent, le fundraising est devenu un enjeu particulièrement concurrentiel en raison de besoins financiers croissants. Cette situation oblige les organisations à renforcer leurs équipes par le recrutement de collaborateurs. Là encore, les inégalités se font ressentir entre les organisations qui recrutent facilement et celles qui ont peu de retours annonce. En revanche, elles partagent une problématique commune : fidéliser les collaborateurs.
Cet enjeu, corrélé à la vitalité du marché de l’emploi, oblige les recruteurs à mettre en place une planification du recrutement qui puisse à la fois identifier les priorités et projeter le futur collaborateur dans son évolution en interne. Enfin, cette situation invite aussi les recruteurs à élargir leurs recherches et à offrir la possibilité à leur organisation de s’enrichir de profils et de personnalités différents.

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