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Témoigne sur la gestion de la crise de Denis Le Squer, Président de la Fondation pour la Recherche Médicale

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INNOVATION, SANTÉ, RECHERCHE

Interview de Denis Le Squer, Président du Directoire de la Fondation pour la Recherche Médicale 

8 Juillet 2020

Comment la Fondation pour la Recherche médicale s’est-elle adaptée à la crise sanitaire ? 

Lquestion était de savoice que nous pouvions faire pour soutenir la recherche médicale sur le COVID19. Nous sommes un bailleur de fonds, nous soutenons la recherche académique française exclusivement par appels à projets, pour lesquels il faut compter au minimum 9 mois depuis leur définition jusqu’à la sélection et l’arrivée des financements dans les laboratoires. Une mécanique inappropriée de par l’urgence de la situationAussi, dès la première quinzaine de mars, je me suis rapproché de certains organismes de recherche pour regarder ce qui se faisait.  

« Nous ne sommes pas allés chercher des fonds tant que nous ne savions pas ce que nous allions en faire. » 

Le consortium REACTing1 avait commencé à sélectionner des projets de recherche. 4 projets d’essais cliniques nous ont été présentés, que nous avons décidé de soutenir à hauteur de 460000 €. En parallèle, l’Agence nationale de la Recherche (ANR) a lancé l’appel à candidatures « Flash ANR COVID19 ». Plus de 270 dossiers ont été reçus. Parmi la sélection de l’ANR, la FMR va financer 15 projets pour 2,8 M€. Au total, la Fondation pour la Recherche Médicale finance 19 projets pour 3,3 M€.  

Dès que nous avons établi ce cadre d’intervention, nous sommes allés chercher l’argent correspondant. Nous avons communiqué auprès de nos partenaires et des particuliers. Nos parrains et marraines ont pris la parole dans les médias pour solliciter la générosité du grand public. Aujourd’hui, nous avons collecté presque 3,8 M€ et nous venons de relever notre objectif de collecte à 5 M€ pour soutenir d’autres projets2. 

En juin, nous suivrons le cheminement classique et interrogerons notre organe consultatif, le comité de la recherche, pour étudier la pertinence d’une action à plus long terme sur les maladies infectieuses afin de garantir des financements durables aux équipes de recherche fondamentale3. 

Que retenez-vous de cette période de crise en tant que dirigeant ? 

De nouveaux partenaires ont répondu présents. L’opération de médiatisation avec nos parrains et marraines, dont Thierry Lhermitte, a été très efficace. Sur cette crise particulièrement, les collectes digitales et par SMS (envoyer NOVIRUS au 92300) ont augmenté.  

Ce formidable mouvement de donation ne s’est pas fait tout seul ! Il fallait d’une part, proposer des projets intéressants et d’autre part, communiquer sur ces projets. Ce que nous faisons depuis 15 jours – 3 semaines.  

« Je n’ai jamais travaillé comme çani jamais vu autant d’acteurs faire preuve d’une telle réactivité en même temps. » 

Je n’avais jamais imaginé que tout le monde, public comme privé, puisse être aussi réactif, et pas seulement sur les appels à projetsNous avons obtenu des gratuités, comme la réalisation d’un film par Publicis et sa diffusion sur TF1. En 8 à 15 jours, nous sommes parvenus à réaliser des choses qui, d’ordinaire, prennent 2 à 3 mois ou ne se font pas. Avec nos interlocuteurs, nous avons travaillé le samedi et le dimanche, mais ce n’était pas un problème.   

Ma préoccupation était : « il y a des chercheurs mobilisables, il fauque nous leur apportions rapidement des financements »Tout m’a semblé hors du temps. Ce qui m’a bluffé, c’est que les partenaires étaient tous joignables et nous répondaient très vite : oui ou non.   

« En 20 ans, je n’ai jamais vécu de collecte aussi rapide  
dans le domaine de la recherche médicale. » 

https://www.youtube.com/watch?v=MkTwlVjbuow&feature=emb_logo 

Le fait que l’objet de la recherche impacte nos quotidiens change-t-il la relation avec les donateurs ?

Restituer n’est pas nouveau pour la fondation. Face aux enjeux de l’épidémie, tout le monde va très vite, sur tout. Cela concerne autant la mise en place de nos actions que la restitution vis-à-vis des donateurs. Il est hors de question de ne pas leur rendre compte immédiatement. C’est aussi lié à la nature des projets. L’un des essais cliniques REACTing est arrivé rapidement sur des résultats intéressants pour des formes sévères. La FRM a communiqué tout de suite. 

Selon vous, est-ce que cette crise va changer notre façon d’entreprendre et de manager ? 

J’ai fait beaucoup de choses que je ne pensais pas possible auparavant. Du jour au lendemain, les quarante collaborateurs de la FRM sont passés en télétravail à 100 %Nous avons déployé l’équipement nécessaire et développé une façon de travailler différente 

« En termes de collecte, de production, de communication,  
les équipes sont mobilisées et mobilisables. »  

J’ai établi un cadre strict : chaque directeur est en contact permanent avec ses responsables de département, et ceux-ci sont en contact quotidien avec leurs équipesJ’ai également tenu à ce que les réunions se fassent en visio pour que le lien ne soit pas uniquement vocal.  

« Le défi était de nous organiser pour mettre en œuvre les projets COVID-19, en parallèle des dossiers courants de la fondation ! » 

Il ne faut pas oublier que notre quotidien est d’aller chercher des fonds pour sélectionner 400 projets de recherche, qui représentent 45 à 48 M€.  

Quelle peut être l’approche des dirigeants pour conserver cette agilité ? 

Nous ne pouvons pas garantir que cet élan perdure. C’est la notion de relativité qui fait que l’on se démène pour trouver des solutions et avancer.  

Concernant le déconfinement, l’équipe de direction et moi-même allons faire preuve de souplesse et de flexibilitéen particulier, faciliter la vie des collaborateurs et ne pas imposer à ceux qui ont des enfants ou des trajets en transports en commun de venir à la fondation. En revanche, j’impose un rythme de réunions pour que le lien et la transmission d’information ne soient pas rompusMoi-même, j’organise des réunions avec l’ensemble du personnel toutes les 3 à 4 semaines, contre 4 par an en temps normal  

« Nous nous obligeons à plus de restitution, de transparence et de réassurance. » 

Il faut que les équipes sachent que nous sommes là, dans le même bateau, pour porter les ambitions de développement de la fondation, quelles que soient les circonstancesNous devons leur donner une visibilité sur les pistes et projets que nous allons porter dans les semaines et les mois à venir. 

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