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Critères ESG, RSE, Raison d’être : engagement sincère des entreprises ou nouvel « engagementwashing » ?

Edito

IMPACT

La rentrée 2022 a particulièrement été bousculée entre la guerre en Ukraine, la « grande démission », l’inflation et la fin de l’abondance si bien que les entreprises et les salariés font depuis face à une ambiance morose qui n’épargne pas les patrons de l’Afep qui ont récemment fait part de leur état d’esprit négatif.

En tant qu’acteur économique, l’entreprise doit adopter de nouvelles stratégies de conduite : plus durables, plus équitables, plus inclusives. Pour se faire, il est vital que les entreprises prennent conscience de leur impact sociétal et agissent concrètement à réduire leurs externalités négatives afin de pérenniser leurs activités et notamment auprès des jeunes talents. En effet, à en croire les débats publics, les jeunes apparaissent de plus en plus attirés par les entreprises engagées et investies sur les questions sociétales et écologiques.

Toutefois, les politiques RSE ou l’adoption d’une raison d’être sont-elles les conditions sine qua none de l’attractivité des jeunes talents ou sont-elles devenues un nouvel argument du marketing RH ?

Des jeunes de plus en plus regardants ?

L’évènement n’est pas passé inaperçu. Le 7 mai dernier, AgroParisTech organisait sa cérémonie de remise des diplômes durant laquelle plusieurs diplômés ont lancé un appel pour un changement de voie professionnelle dénonçant une formation contributrice des  » ravages écologiques et sociaux en cours ». En contrepartie ils défendaient la nécessité de rejoindre les luttes écologiques et de participer au déploiement de collectifs alternatifs.

Ces jeunes ont été surnommés des « bifurquer » : de jeunes diplômés qui n’hésitent plus à changer d’orientation dès le début de leur carrière pour répondre aux urgences climatiques et sociales. Ce mouvement s’inscrit en rupture des décennies précédentes où travailler dans une grande entreprise était l’assurance d’une expérience enrichissante et d’une « belle ligne » sur le CV.

Depuis 2020, de nombreuses études ont été publiées sur les attentes des jeunes et les vecteurs d’attractivité des entreprises. L’Edhec NewGen Talent Centre a conduit une étude début 2020 avec le cabinet BearingPoint sur « La nouvelle donne de l’engagement des jeunes générations en entreprise ». Il en ressort que l’opportunité d’acquérir de nouvelles compétences, l’environnement de travail et la prise de responsabilités sont des attentes très importantes et ce avant le prestige de l’entreprise. De la même manière, le niveau de rémunération est important mais cela n’est pas un critère primordial à partir du moment où le seuil minimal de rémunération posé par le candidat est respecté.

La Fondation Jean-Jaurès et la Macif montraient en 2021 que 29% des jeunes souhaitaient que les entreprises s’engagent en faveur de l’environnement, 27% contre le racisme et les discriminations et 25% contre les inégalités femmes – hommes. Il est intéressant de souligner que cette étude souligne aussi une attractivité plus forte des entreprises locales (39%) et ce devant les startups (26%), l’ESS (25%) ou le CAC 40 (13 %).

Malgré tout, ce débat mérite de l’honnêteté intellectuelle. Ces préoccupations restent le privilège des jeunes diplômés de Bac+5 et plus : des adultes informés et sensibilisés relativement confiants sur leur capacité de trouver un emploi, a contrario des jeunes peu ou pas diplômés qui recherchent un emploi stable et sécurisant.

Sincérité des entreprises ou nouvel « engagementwashing » ?

L’engagement et les critères ESG d’une entreprise sont devenus des enjeux majeurs pour les investisseurs dans un contexte où l’on parle de plus en plus de « finance verte ». En janvier 2022 ? Larry Fink, PDG de Blackrock, appelait au déploiement d’un capitalisme de parties prenantes précisant que le rôle des entreprises était de contribuer à la décarbonation de l’économie mondiale. Cinq mois plus tard, Larry Fink affirmait que « Ce n’est pas au secteur privé de jouer le rôle de la police de l’environnement. ».
De la même manière à l’occasion du Moral Money Summit Europe, Stuart Kirk, ancien directeur des investissements responsables chez HSBC présentait une conférence intitulée « Pourquoi les investisseurs ne doivent pas s’inquiéter du risque climatique ».

Utilisées en Europe depuis près de 30 ans, le bilan des politiques RSE reste mitigé entre les entreprises adeptes du greenweshing et celles qui s’engagent concrètement et sincèrement sur des enjeux forts et à leur niveau. Malgré cela, la réputation des entreprises s’est aussi noircie. Geneviève Férone-Creuzet, cofondatrice et associée du cabinet Prophil assure que « La plasticité du capitalisme a parfaitement assimilé les codes de la RSE pour mieux la vider de sa substance et la maintenir en marge des fonctions régaliennes et de l’outil de production (…). Rares sont donc les entreprises, et plus précisément les dirigeants, qui sont allés dans le sens d’une véritable transformation de leurs modèles économiques et de leur gouvernance ».
La loi Pacte, votée en France en 2019, permet aux entreprises d’adopter, par sa propre initiative, sa raison d’être coconstruite avec l’ensemble de ses parties prenantes. Cette raison d’être peut ensuite être inscrite aux statuts de l’entreprise ce qui la rend opposable et suivie d’objectifs à respecter, l’entreprise devient « une entreprise à mission ». Toutefois cette inscription ne répond à aucune obligation légale si bien qu’une entreprise peut adopter sa raison d’être sans y donner de suites concrètes.

Soyons honnêtes, les résultats économiques resteront toujours un impératif majeur (si ce n’est vitale) pour les entreprises : sans chiffre d’affaires l’entreprise ne peut pas vivre et investir. Mais face aux urgences de notre époque, les entreprises doivent prendre conscience que leur engagement est aussi une condition sine qua none de leur pérennisation. A titre d’exemple, si les acteurs de la filière du bois n’investissent pas en faveur de la reforestation, l’amenuisement annoncé de leur matière première portera directement atteinte à leurs activités.

De l’importance de l’engagement

Aucun modèle et aucune vision unique de l’entreprise soutenable ne peuvent être dessinés en raison de la multiplicité des secteurs et des problématiques. Il serait alors trop facile, voire réducteur, de prôner un unique modèle vertueux au risque de rester sur des principes théoriques.

Aussi, la solution ne se trouve-t-elle pas dans la capacité des dirigeants d’incarner leur projet, leurs aspirations et leurs objectifs pour attirer et donner envie aux jeunes générations, plutôt que chercher à convaincre par de grandes démonstrations et discours ? Il est certain que les entreprises ne pourront initier et réussir leur mutation qu’à la condition où des dirigeants sincères, investis seront là pour porter ces projets avec humilité et conviction et mobiliser autour d’eux leurs collaborateurs et partenaires.

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