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Interview de Philippe Jourdy, Directeur général de l’ASEI

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Philippe Jourdy, Directeur général de l’ASEI

Une transition qu’il a préparé avec la Présidente de l’association tant ce passage de témoin est capital.

Pouvez-vous nous raconter ce qui a motivé votre parcours professionnel ?

Je suis fils, petit-fils et arrière-petit-fils de magistrats et d’avocats. Rien ne me prédestinait à ce parcours. Après mes études à l’ENSP de Rennes, je suis devenu inspecteur des affaires sanitaires et sociales. Mes 10 ans dans l’inspection itinérante, un corps d’élite qui travaille pour la Cour des comptes, m’ont donné des techniques et une vision large qui m’ont été très utiles par la suite. Plus tard, j’ai pris une orientation plus opérationnelle à la Fondation Léopold Bellan, à la Fondation Hopale dans le Nord et le Pas-de-Calais ou encore, à la Mutualité française à Saint-Etienne. Un territoire particulièrement inspirant en matière d’innovations sanitaires et sociales.

À la création de l’ANAES, l’ancêtre de la HAS, j’ai fait partie des premiers groupes d’experts visiteurs. Plus tard, le Pr Yves Matillon et Chantal Lachenaye, à la tête de l’accréditation des établissements de santé, m’ont proposé de les rejoindre. Ensemble, nous avons fait entrer la Qualité dans les établissements de santé.

Alors que je regardais le médicosocial d’un peu loin, l’ASEI est venue me chercher. J’ai deviné que je pourrais enfin allier le stratégique : structurer, et l’opérationnel : les projets. Je n’aurais jamais pensé rester aussi longtemps. En quelque sorte, j’ai fait ma mobilité en interne, en développant l’association à Hendaye, en Nouvelle-Aquitaine et même, à Paris.

Quels sont les jalons ou les personnes qui vous ont aidé tout au long de votre parcours ?

Il y a, bien sûr, des choses à apprendre techniquement mais beaucoup à apprendre en observant. Tout cela relève d’une forme d’apprentissage, d’une patine qui se forme au fil du temps.

« J’ai beaucoup appris au contact des personnes du secteur en les écoutant, en regardant, en échangeant, en contestant parfois. »

A ce titre, je trouve que la formation devrait tenir compte davantage de la réalité des métiers. D’un côté, il faut une base solide de gestion et de connaissance du secteur et de ses subtilités. De l’autre, « les humanités » occupent une place majeure. Un directeur est qualifié de “général” pour son approche générale, justement. Il n’est pas nécessaire d’être bon dans tous les domaines. Pour la comptabilité et les RH, par exemple, je me suis appuyé sur de très bons collaborateurs. En revanche, ce qui compte c’est la vision du contexte et de l’impact de ses décisions, et de garder l’esprit ouvert.

« Dans ce métier, il faut assumer la solitude du dirigeant et, pour autant, ne pas bouillir dans la marmite et s’en extraire. Il est très important d’avoir des collègues de confiance et des personnes avec qui échanger pour se régénérer. En cela, appartenir à une fédération est très utile. »

Vous partez à la retraite. De quelle façon avez-vous préparé votre succession ?

À partir du moment où j’ai beaucoup reçu, j’ai essayé de transmettre en retour. J’ai pour habitude de décliner les propositions de formation car il me semble qu’enseigner est un métier, mais je partage volontiers mon témoignage. Surtout, j’estime que la transmission se joue plutôt sur le terrain.

Je ne suis que le 4ème directeur général de l’ASEI en 70 ans. Il y a une durée de vie assez longue, ce qui peut être dangereux pour une organisation. La répartition des rôles étant très claire entre la Présidente et moi, nous avons anticipé mon départ ensemble. Fin décembre, le Bureau a fait le choix de la continuité du projet associatif en la personne d’Olivia Lévrier, auparavant directrice d’une entité et de la transformation des soins. Elle a été nommée directrice générale déléguée et, depuis janvier, nous préparons la passation. Elle m’accompagne et suit plusieurs dossiers transversaux, comme la politique d’investissement, le schéma de partage d’information et le numérique et les élections des représentants du personnel. Petit à petit, elle prend le champ de l’association. Non pas que j’ai le goût des dernières fois, mais j’observe que cela se passe très bien avec les équipes.

Quels sont les leviers de transmission vers les futurs leaders à impact positif ?

Auparavant, les organisations mettaient les collaborateurs dans des cases, selon un organigramme qui confondait hiérarchie et fonctionnel, ce qui à mon avis est une erreur.

« Je me suis toujours battu pour et contre l’organisation. Il faut une organisation mais ne pas figer celle-ci. Il ne faut pas enfermer les gens. »

Mon ambition est que le projet associatif se déploie à travers l’engagement et la qualité des professionnels, notamment le développement de leur pouvoir d’agir, en les accompagnant et les aidant à se réaliser au mieux de leurs aspirations et de leurs potentiels. Je crois avoir réussi à promouvoir cela au sein de l’ASEI en mettant en place des bassins géographiques et des délégations déconcentrées. Cela présente l’avantage de faire monter en responsabilité les collaborateurs qui ont envie d’autonomie mais aussi de les tester. En la matière, j’ai eu des surprises dans les deux sens. Parfois, le costume s’avère trop grand et à l’inverse, d’autres fois, des collaborateurs s’épanouissent.

Nous accompagnons également les directeurs lorsqu’ils rencontrent des difficultés. À l’ASEI, j’ai introduit la technique de l’énnéagramme, issue des neurosciences, qui consiste à définir sa base relationnelle et comment chacun se meut et se comporte socialement. Il y a plusieurs profils : le perfectionniste, l’épicurien, le boss… Cette technique a permis à certains managers de se révéler à eux-mêmes et de comprendre pourquoi certaines choses fonctionnaient ou pas.

Le bon recrutement, ce sont deux envies qui se rencontrent, même s’il peut y avoir des déceptions, bien sûr. J’ai souvent recruté des potentiels et je suis attiré par les profils atypiques. Non pas que je cherche obligatoirement à sortir d’un modèle. Toutefois, je suis convaincu qu’une dose d’ouverture est importante. À l’ASEI, nous recrutons des éducateurs qui sont montés en grade, des diplômés du CAFDES et des profils issus de tout autres secteurs.

« Les potentiels d’aujourd’hui affichent convictions et exigences. À tel point que, lors des entretiens, je me demande qui est en train de recruter l’autre. Je salue leurs convictions mais je les invite à cultiver aussi leur capacité d’écoute et d’ouverture. » 

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