Jeux Olympiques et Paralympiques 2024
Alexandra Barrier, Secrétaire générale et conseillère handicap à la Délégation interministérielle aux JOP 2024
26 mars 2024
Alexandra Barrier, Secrétaire générale et conseillère handicap, Délégation interministérielle aux Jeux Olympiques et Paralympiques 2024
Rattachée aux services du Premier ministre, la Délégation interministérielle aux Jeux olympiques et paralympiques (DIJOP) compte une vingtaine de collaborateurs dédiés à l’organisation et à la construction de l’héritage des Jeux. Véritable relai entre les parties prenantes, la DIJOP coordonne l’action des différents ministères concernés et collabore avec Paris 2024 (l’association de loi 1901 organisatrice de l’évènement), le Comité National Olympique Sportif Français, le Comité Paralympique sportif français, ainsi que les collectivités hôtes de l’évènement telles que la Ville de Paris, le département de la Seine-Saint-Denis. La délégation veille au suivi de chaque sujet, en orchestre le calendrier d’exécution et œuvre au développement de mesures qui resteront en héritage des JOP comme dans le domaine du handicap et de santé, pour lesquelles Alexandra Barrier est investie en qualité de conseillère Handicap et Santé en plus du Secrétariat général de la DIJOP qu’elle assure.
1.Quelles sont vos ambitions en matière de visibilité sur le handicap durant les Jeux ?
Les premiers Jeux Paralympiques datent de 1960 et 84 années après, nous avons pour ambition de ne pas réduire la question du handicap à la seule dimension paralympique des Jeux, mais qu’elle irrigue l’ensemble de cette année olympique. Comme le Gouvernement s’y est engagé, Paris 2024 doit être un accélérateur de changements pérennes pour une meilleure inscription des personnes en situation de Handicap dans la cité. La réalisation de cette ambition passe par l’enjeu de l’accessibilité, un sujet sur lequel nous travaillons étroitement avec les acteurs du transport évidemment mais aussi ceux du tourisme, les collectivités hôtes pour mettre en œuvre les travaux nécessaires d’ajustement de la voirie et Paris 2024 en vue de créer une expérience spectateur réussie qui marque durablement la société française.
Active depuis plusieurs années au sein du secteur du handicap, c’est un sujet qui m’est cher et j’ai eu la chance de trouver, en la personne du Délégué Interministériel aux Jeux Olympiques et Paralympique, le Préfet Michel Cadot, une autorité très investie sur la question. Ainsi, nous avons créé en mars 2023 un groupe d’experts-usagers, composé de 15 personnes en situation de handicap, tout type de handicap, afin d’expérimenter les propositions d’accessibilité aux sites, de tester des cheminements, d’identifier des pistes d’amélioration et de proposer des modifications en matière d’accessibilité des transports pour les JOP. A titre d’exemple, nous nous sommes rendus aux Internationaux de France de badminton dans la nouvelle enceinte de l’Arena La Chapelle. Cet évènement nous a permis de mesurer l’accessibilité du site et de la voirie dans la configuration des Jeux, de réaliser des tests de transport dont les navettes mis en place par IDFM pendant les JOP, d’expérimenter les fouilles au corps et de notifier les éléments à améliorer. Associer un groupe d’experts d’usage dans les conditions réelles, a constitué une méthode nouvelle au sein de l’Etat, qui, forcément, dans un premier temps, a pu déstabiliser certains acteurs, mais je crois qu’aujourd’hui, plus personne n’imaginerait ce type d’événement sans les associer pleinement, ce qui constitue je crois d’ores et déjà un héritage important des Jeux.
En septembre 2023, s’est tenu un comité interministériel sur le handicap où la Premier ministre et les opérateurs ont signé une charte d’engagement sur dix mesures réalisables d’ici les JOP. Ces mesures visent notamment à améliorer la sonorisation du métro, à développer une sensibilisation au handicap pour les chauffeurs de taxi et de VTC et grâce à un soutien financier de l’Etat, à multiplier par 4 la flotte de taxis accessibles en IDF.
Le Groupe ADP a aussi considérablement fait évoluer ses pratiques en sensibilisant l’ensemble de la communauté aéroportuaire à la question du handicap, en se dotant d’un comité consultatif du handicap, en créant 8 salles de changes à Orly et Roissy et en adaptant ses infrastructures. Aujourd’hui, les fauteuils roulants sont placés en soute dès l’enregistrement, demain les personnes en fauteuil devraient pouvoir se rendre jusqu’aux portes de l’avion avec leur fauteuil personnel, c’est un changement considérable qui est en cours. Enfin, pour les villes hôtes, l’Etat a réservé 100 millions d’euros au Fond territorial d’accessibilité pour leur permettre de rendre accessible des hôtels, des commerces et des services. L’ensemble des lieux accessibles seront référencés sur la plateforme collaborative (https://acceslibre.beta.gouv.fr/) permettant ainsi aux personnes en situation de handicap de préparer leurs sorties ou trouver leurs hébergements accueillants et adaptés.
Par ailleurs, l’Etat et Paris 2024 se sont engagés à recruter 3 000 bénévoles en situation de handicap parmi les 45 000 bénévoles qui participeront aux JOP. Lors de ma prise de poste, j’ai repris ce programme de volontariat et nous avons travaillé avec une vingtaine d’associations, telles que APF France Handicap, l’Arche en France, Vivre et Devenir, la Fondation des Amis de l’Atelier le GROUPE SOS et bien d’autres encore, pour recruter les 3 000 bénévoles. En parallèle, tous les bénévoles et salariés de Paris 2024 seront sensibilisés à l’accueil des personnes en situation de handicap.
Pour conclure, cette stratégie s’incarne autour de trois enjeux majeurs :
> L’accessibilité universelle de l’arrivée sur le territoire jusqu’au siège dans le site olympique;
> Le développement du para-sport avec notamment l’objectif d’atteindre le nombre de 4 000 clubs inclusifs sensibilisés et prêts à accompagner la pratique sportive des personnes en situation de handicap ; La baisse du taux de TVA pour le matériel sportifs adaptés ou encore le triplement du budget de l’Agence nationale du sport dédié au financement de la mise en accessibilité des équipements sportifs.
> La visibilité globale sur le handicap grâce aux 300 heures de rediffusion des épreuves paralympiques, au bénévolat- des personnes en situation de handicap, aux journées paralympiques organisées en 2022 et 2023 et à l’exposition qui se tiendra au Panthéon sur l’histoire des Jeux paralympiques.
2. Comment mesurer l’impact des Jeux Olympiques et Paralympiques ?
L’Etat a lancé 13 études destinées à évaluer l’impact avant, pendant et après les Jeux. L’une d’entre elles permettra de valoriser les avancées et les usages en matière d’accessibilité des infrastructures grâce aux JOP.
Avec la direction générale de l’aménagement du territoire, nous avons décidé d’élargir l’étude aux impacts dans le secteur des transports et de valoriser les évolutions dans la prise en compte de l’accessibilité dans les organisations.
Cette étude d’impact a débuté cette année et combinera de l’analyse documentaire, le suivi d’indicateurs et des tests d’usage.
Mesurer objectivement l’impact des Jeux est une première, si bien que nous ne disposons pas d’historique d’études similaires conduites après d’autres Jeux. Cette démarche engagera à la fois l’Etat, les principaux acteurs mais aussi la population.
3. Le lancement des Jeux se rapproche, comment se déroule son organisation ?
Nous sommes tous à pied d’œuvre pour permettre que les Jeux se déroulent dans les meilleures conditions et que l’évènement soit une réussite. Je reste bien sûr consciente qu’une bonne organisation n’empêchera pas les impondérables.
Sur l’accessibilité, il faut avoir à l’esprit que nos infrastructures sont anciennes, et donc nous agirons jusqu’au dernier jour pour rattraper une partie du retard considérable qui a été pris. Ainsi de nombreux travaux sont toujours en cours comme sur le RER E ou la ligne 14 du métro.
Concernant la santé, domaine sur lequel je suis également très investie, il s’agira de prendre en compte les tensions existantes dans ce secteur pour répondre aux besoins sans déstabiliser des organisations déjà fragiles. Nous travaillons avec le ministère de la santé, les ARS ou encore l’AP-HP pour nous préparer au mieux à l’évènement. C’est une mission considérable. Nous souhaitons aussi favoriser le sport-santé. A cet effet, le programme 30 minutes d’activité physique quotidienne dans les écoles a été déployé et de nombreux financements seront engagés dès cette année pour étendre cette mesure aux Etablissements sociaux et médicosociaux qui accueillent des enfants en situation de handicap.
J’entends les réserves formulées par voie de presse, et nous y sommes tous sensibles, mais je crois qu’il est aussi important de mesurer l’étendue du chemin parcouru. Je crois en l’héritage des Jeux.
Les JOP seront aussi, j’en suis convaincue, une belle fête populaire, un moment suspendu où le monde regardera la France. Participer à des exploits sportifs dans les lieux emblématiques tels que le volley aux pieds de la Tour Eiffel, l’équitation aux Château de Versailles, l’escrime au Grand Palais, constituera des moments inoubliables tant pour les spectateurs des Jeux Olympiques que des jeux Paralympiques.
4. Quels liens entretenez-vous avec l’ESS ? Les associations engagées sur le handicap sont-elles parties prenantes dans l’organisation des Jeux ?
Comme je viens du secteur associatif, j’ai pu arrimer un certain nombre d’associations du secteur du handicap à nos travaux. Elles interviennent à plusieurs niveaux : certaines interviennent à travers des usagers au sein du groupe d’expert d’usage, d’autres sont partie prenante du programme bénévolat, d’autres encore sont investies sur l’attribution de la billetterie populaire : 400 000 billets dont 17 640 pour des personnes en situation de handicap. Par ailleurs, je coanime chaque trimestre, aux côtés de Paris 2024, une réunion d’information sur l’actualité des jeux à destination des associations du handicap.
« Je pense sincèrement que les Jeux sont un accélérateur de mise au premier plan de l’accessibilité. Nous n’avons jamais autant parlé et traité du sujet en France. »
« Beaucoup est fait pour les personnes en situation de handicap et cela serait dommage qu’elles ne viennent pas à cette fête. »
5. Que retenez-vous de la culture du Groupe SOS ?
J’ai intégré le Groupe SOS à 25 ans, et j’ai eu la chance d’y évoluer à différentes fonctions, d’acquérir rapidement des responsabilités nouvelles, et de découvrir des champs importants des politiques publiques de la grande précarité au handicap en passant par l’hébergement/logement. A travers le Groupe SOS, j’ai pu m’immerger dans tout un écosystème qui inclut les organismes gestionnaires de dimension nationale qui jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre de missions d’intérêt général mais aussi des acteurs de taille plus modeste qui ont un pouvoir d’innovation considérables. Je suis ainsi extrêmement liée et attachée aux Bobos à la ferme, qui développe des gites inclusifs et qui offrent des séjours de répit pour les aidants et personnes en situation de handicap. Cette diversité du secteur associatif est un atout pour notre société.
6. Quelles motivations vous ont conduites à travailler dans le secteur de l’ESS et le handicap ?
J’ai toujours voulu travailler pour l’intérêt général. Je suis quelqu’un d’engagée et j’ai rapidement su que l’ESS était fait pour moi. Cela fait huit ans que je travaille dans le domaine du handicap au sein du milieu associatif ou pour le compte de la DIJOP : je me réjouis des petits pas effectués pour une meilleure prise en compte du handicap dans notre société et je m’épanouis au sein d’une communauté d’acteurs investie. Mais je reste très préoccupée par les insatisfactions légitimes éprouvées par les personnes en situation de handicap et leurs familles, qui sont génératrices de tant d’injustice. Mon envie est, à la place que j’occupe, de contribuer à relever ce défi de justice sociale. Il s’agit du moteur principal de mon engagement.
7. Quelle serait la prochaine étape de votre parcours ?
Ma mission étant bornée dans le temps, je me retrouve à un carrefour où j’hésite entre retourner dans le secteur associatif ou poursuivre en faveur de l’action publique, pour le compte de l’Etat ou d’une autre administration. Ce qui est certain c’est que je m’engagerai là où je me sentirai utile, où je pourrai faire progresser des projets et contribuer à répondre aux grands défis de notre société.
Alexandra Barrier entre au sein du Groupe SOS à un poste de cadre au sein de la délégation régionale Ile de France du Groupe SOS, avant d’être promue directrice générale adjointe de la filiale Habitat et Soins, poste qu’elle occupe un peu moins de 8 ans. Elle continue son parcours exceptionnel au sein du Groupe à la direction générale Handicap en 2016. Après 16 ans de bons et loyaux services pour le Groupe dirigé par Jean-Marc Borello, elle est nommée en 2022 Secrétaire Générale – Conseillère Handidap et Santé de la Délégation interministérielle aux Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (DIJOP).