INNOVATION
Interview de Laurence Comte-Arassus, General Manager France, Belgique, Luxembourg et Afrique francophone de GE Healthcare
12 Avril 2021
Le parcours de Laurence Comte-Arassus est une ode au rêve, à la détermination et à l’opiniâtreté. Elle ne fait pas Médecine, qu’à cela ne tienne, elle construit brique après brique une brillante carrière dans les dispositifs médicaux dans les domaines les plus pointus comme la chirurgie cardiaque. Désormais à la tête de GE Healthcare sur une large zone géographique, elle met toute son énergie à promouvoir une santé pérenne et solidaire. Une interview à impact… très positif.
Vous venez de prendre vos fonctions de General Manager de GE Healthcare pour la France, la Belgique, le Luxembourg et l’Afrique francophone. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Rien ne me prédestinait à ce parcours. Je viens d’un milieu social où l’on ne se projette pas à ce type de poste. A 16 ans, je rêvais d’être chirurgien, si possible en Afrique car j’ai des aïeuls béninois. Bien que je n’aie pas suivi cette voie finalement, j’ai effectué la quasi-totalité de ma carrière dans la santé, en partie dans le domaine de la cardiologie, et mes nouvelles fonctions couvrent l’Afrique.
La boucle est donc bouclée et, à vrai dire, je crois que je contribue davantage à promouvoir
une santé pérenne et solidaire dans notre pays que si j’avais été chirurgien.
Mes premiers pas dans la santé, je les dois à Boston Scientific où j’ai passé presque 10 ans, d’abord en gastroentérologie, puis au sein de l’équipe d’électrophysiologie. J’ai été la première femme à intégrer le CODIR. Le fait d’avoir été élevée par mon père et d’avoir évolué dans un univers exclusivement masculin pendant mes études à l’ESTA[1]
me vaut sans doute un état d’esprit assez masculin. J’accepte les challenges sans trop me poser de questions. Sauter dans le grand bain, parfois sans palmes ni oxygène, ne me fait pas peur.
Il ne faut pas craindre l’échec. Au contraire, plus on relève de défis, plus on grandit.
Accepter les postes ou les missions difficiles est un formidable accélérateur.
Par la suite, j’ai été recrutée par Medtronic pour gérer les six plus gros vendeurs du département Cardiac Rythm Products. J’ai appris énormément de choses. Au bout de 3 ans, j’étais à la tête de la division chirurgie cardiaque. J’ai longtemps été la seule femme parmi les 120 managers de la zone EMEA. Mon patron avait pris l’habitude de dire : « nous sommes très contents d’avoir Laurence. » Je le reprenais aussitôt en lui disant espérer que ce n’était pas parce que j’étais une femme, ce qui le faisait rougir. C’est peu de dire que la diversité est l’une de mes batailles ! Je n’aurais pas dit cela il y a 15 ans mais, aujourd’hui, je suis favorable aux quotas et à la discrimination positive, à condition d’être certain qu’il s’agit du meilleur profil.
L’un des avantages de travailler dans une grande entreprise, c’est de pouvoir évoluer en occupant des postes très différents. En l’occurrence, j’ai dirigé l’équipe diabète pour la France, un portefeuille proche du modèle pharmaceutique qui m’a permis de travailler avec des groupes comme Air Liquide et Nestlé. Puis, on m’a confié le défi passionnant de monter le groupe cardio-vasculaire, ce qui équivalait à réunir une équipe de rugby et une équipe de football ! Il y a six ans, j’ai été nommée Directrice générale de Medtronic France avec l’objectif de positionner l’entreprise, qui avait toujours voulu vivre cachée, comme un acteur de santé qui assume pleinement ce rôle. A ce titre, je suis fière que Medtronic ait été la première société à être sélectionnée pour une expérimentation dans le cadre de l’article 51[2]sur l’obésité morbide .
Sur quelles ressources vous appuyez-vous pour faire avancer vos projets ou exercer votre leadership ?
L’empathie est l’un de mes moteurs. Y compris lorsqu’il y a des décisions difficiles à prendre. C’est la raison pour laquelle l’employabilité est un sujet qui me tient à cœur. A chaque fois que j’ai dû me séparer d’un collaborateur, mon souci a été d’être transparente afin qu’il puisse rebondir au bon poste et dans la bonne entreprise.
En tant que dirigeants, nous devons jouer notre rôle de modèle et œuvrer à l’insertion des jeunes
issus des banlieues et des zones rurales mais aussi des seniors. Je dis souvent :
« Rappelez-vous toujours pourquoi vous êtes là, qui vous a aidé, et rendez-le aux autres. »
C’est la raison pour laquelle je suis très présente sur les réseaux sociaux. Il s’agit de formidables outils pour aider les étudiants via l’alternance ou les stages. Les entreprises ont vocation à donner leur chance aux jeunes, surtout en ce moment. Sinon, qui va le faire ? Je milite en ce sens auprès de mes homologues au sein du SNITEM.
Quel message souhaitez-vous adresser aux futurs leaders ou entrepreneurs ?
Je ne suis pas carriériste mais je pense que je dois mon parcours professionnel au rêve que j’avais de travailler dans la santé, rêve que je n’ai jamais lâché. J’adresse ce conseil aux plus jeunes : « Continuez à croire en vos rêves, même si l’on vous dit le contraire, et faites-en sorte qu’il y ait une grande part de passion dans votre métier. »
L’innovation est porteuse d’espoir et de solutions dans tous les domaines,
que ce soit l’environnement, la santé… Il faut savoir oser et oser rêver !
Quels sont vos projets et vos défis actuels ?
Je souhaite m’intégrer rapidement au sein de GE Healthcare, prendre la mesure de ce marché élargi et leur amener ce qu’ils sont venus chercher, à savoir quelqu’un qui fait bouger les lignes en interne et en externe. En effet, la santé n’est pas seule dans son silo. Elle est interconnectée avec l’environnement, l’agroalimentaire… Je vais aussi continuer à m’impliquer dans les sujets qui me tiennent à cœur comme la diversité, l’employabilité, la formation des jeunes…, comme je l’ai fait auparavant chez Medtronic. Autant de problématiques dont doit s’emparer une entreprise à mission.
La communication institutionnelle constitue indéniablement l’un de mes grands défis. En France, nous devons lutter contre un préjugé très prégnant qui veut qu’il y ait les « méchantes » entreprises d’un côté, et les « bons » acteurs de santé publique de l’autre.
Or, je suis convaincue que les partenariats publics privés sont essentiels pour préserver notre système de santé solidaire. Cet engagement m’a valu des articles dans la presse mais j’assume !
Il y a de très bons éléments dans le public et le privé. C’est uniquement en travaillant ensemble que nous trouverons les bonnes solutions. Je suis certaine que, si on leur explique, les Français sont en mesure de comprendre l’intérêt de telles collaborations. C’est le pari que je fais en arrivant à GE Healthcare.
[1] École supérieure des technologies et des affaires
[2] L’article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale de 2018 prévoit l’expérimentation de nouvelles organisations en santé contribuant à améliorer le parcours des patients, l’efficience du système de santé et l’accès aux soins.